aoust 1590.                                 85
restés^ et nostre voiage rompu, à mon grand regret. Après ce siege levé, on dit que Dieu avoit fait un aussi grand miracle qu'il en eust point fait depuis la creation d'Adam, de dire que nous avions peu nous sauver, estans conduits par un aveugle (Mendoze), gouvernés par un enfant (M. de Nemoux), et conseillés par un prebstre (le cardinal Cajetan, légat) qui n'en-tendoit rien au fait de Ia guerre.
En ce mesme temps un certain personnage de Paris disoit à un honneste homme qu'un borgne (entendant de nostre .maistre Boucher) gouvernoit tout Paris comme un petit roy; auquel l'autre respondit qu'il ne s'en estonnoit point, pour ce qu'au royaume des aveu­gles les borgnes estoient rois.
Le vendredi dernier aoust 1590, le Roy escrivist de sa propre, main à madame de La Rocheguion (0 la lettre qui s'ensuit :
« Ma maistresse, je vous escris ce mot le jour de la
veille d'une bataille. L'yssue en est en la main de
Dieu, qui en a desja ordonné ce qui en doit advenir,
et ce qu'il congnoist estre expédient pour sa gloire et
pour le salut de mon peuple. Si je la perds, vous ne
me verres jamais : car je ne suis pas homme qui fuie
ou qui recullé. Bien vous puis-je asseurer que si j'y
, meurs., ma penultiesme pensée sera à vous, et ma der-
, nière sera à Dieu, auquel je vous recommande et moi
. aussi. Ge dernier aoust i5go, de la main qui baise
r les vostres, et qui est vostre serviteur,
« Henri. »
(-) Madame de La Rocheguion : Gabrielle d'Estrées, femme de -pi­colas d'Amerval,• seigneur de Liancourt et de La Roche-Guyon. Elle fat depuis duchesse de Beaufort.
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